Comment éviter la surmédicalisation de ton accouchement ?

Au moins 16 % des personnes enceintes souhaiteraient enfanter hors hôpital. Pourtant, 96 % des naissances ont lieu à l’hôpital.

Depuis 50 ans, professionnel·le·s et militant·e·s dénoncent la surmédicalisation des naissances. Mais les interventions en salle d’accouchement explosent : 27,3 % de césariennes, déclenchements en hausse, 11,3 % de naissances instrumentales… souvent sans justification médicale claire.

Comment s’y retrouver ? Comment vivre son enfantement dans un environnement chaleureux et rassurant ? Je démystifie tes options pour que tu aies tout en main — pour ton expérience ou pour soutenir un·e proche.

Avant de commencer, c’est quoi la surmédicalisation et ça vient d’où ?

La surmédicalisation fait référence aux « pratiques médicales non validées en termes de bénéfices apportés aux patientes, potentiellement nuisibles pour elles » (T. Hanslik et A. Flahaut, 2016).

On ne parle donc pas de débats dogmatiques selon des visions différentes de la vie, mais bien de pratiques médicales qui peuvent nuire à la personne qui enfante ou à son bébé.

Pour comprendre d'où vient cette surmédicalisation, il faut saisir que les professionnel·les de santé s'inscrivent dans différentes approches de la santé dont la conception s'est construite au fil du temps sous l'influence de divers courants de pensée et philosophies.

L’anthropologue Robbie Davis-Floyd (2001) a théorisé trois approches en santé :

L’approche holistique 

Considère que corps et psyché sont interconnectés. La personne qui enfante est souveraine de ses décisions et les soignant·e·s reconnaissent que sa santé et celle de son bébé dépendent autant d’aspects physiques que psychoaffectifs, incluant ses croyances personnelles. C’est l’approche que les citoyen·ne·s et les sages-femmes pionnières réclamaient au moment de l’entrée de la pratique dans le réseau de la santé. 

L’approche humaniste 

Voit le corps comme un organisme intelligent capable de bien fonctionner. La personne enceinte devient partenaire des décisions, informée et respectée dans ses choix. Cette approche individualise les soins selon chaque situation. C’est l’approche dominante de nos sages-femmes au Québec.

L’approche technocratique 

Domine notre réseau de santé. Le corps y est vu comme une machine complexe qui peut tomber en panne. Grossesse et accouchement deviennent des processus à risque nécessitant surveillance et contrôle constant. La·e médecin détient le savoir, la technologie garantit la sécurité, les protocoles standardisés priment.

Dans ce paradigme dominant, l’accouchement est réduit à un acte mécanique et potentiellement dangereux. Cette déshumanisation efface l’individualité et favorise les violences obstétricales.

Pourtant, accoucher relève du continuum de la sexualité et constitue un acte fondamentalement humain. Il est donc légitime de vouloir le vivre dans un environnement qui respecte ton autonomie et tes besoins.

Les sages-femmes : ton option de suivi médical humanisé

Qu’est-ce qu’une sage-femme ?

La sage-femme t’offre, en équipe avec une ou deux autres sages-femmes, un suivi médical complet (écoute du cœur du bébé, prescription d’échographies, tests de laboratoire…) du début de la grossesse à 6 semaines post-partum.

Tes rendez-vous de suivi durent de 45 minutes à 1 heure — de véritables rencontres où tu as l’espace pour poser toutes tes questions, discuter en profondeur de tes options et obtenir l’information nécessaire pour faire des choix éclairés.

Les sages-femmes font partie intégrante du réseau de la santé et leurs services sont couverts par la RAMQ. Elles sont les seules professionnelles à offrir la possibilité d’accoucher en dehors de l’hôpital.

On te propose un article complet sur les sages-femmes ici.‍

Comment y avoir accès ?

Généralement, tu trouveras les coordonnées des maisons de naissance de ta région sur le site de ton CISSS/CIUSSS dans l’onglet Service > Grossesse. Sinon, tu retrouves les coordonnées de toutes les maisons de naissance et services sage-femme sur le site du Regroupement des sages-femmes du Québec. À noter que toutes les sages-femmes membres de l’Ordre, et donc légalement autorisées à pratiquer le suivi sage-femme, sont rattachées à une maison de naissance.

Décrocher un suivi sage-femme : mission impossible ?

Malheureusement, bien que l’intégration des sages-femmes au réseau de santé public ait été faite il y a maintenant 30 ans, l’accès reste très limité. Seuls 5 % des suivis de grossesse se font avec une sage-femme et les listes d’attente ne désemplissent pas. On dit souvent à la blague : « Appelle la maison de naissance dès que tu as fait l’amour ».

Les maisons de naissance n’échappent pas à la pénurie de main-d’œuvre en santé. En cause : des conditions de travail difficiles, des exigences administratives toujours plus importantes, une pratique de plus en plus éloignée de l’approche holistique…

Il faut comprendre que les sages-femmes sont les seules professionnelles qui ne définissent pas totalement leur champ de pratique. Malgré leurs quatre années d’études universitaires et leur hyperspécialisation dans l’accouchement physiologique, ce sont les médecins qui décident quelles grossesses sont « à risque » et quelles situations nécessitent leur intervention.

Cette organisation réduit mécaniquement l’accès au suivi sage-femme et maintient ces professionnelles dûment formées sous tutelle médicale — situation par ailleurs renforcée par la dernière loi santé au Québec.

Ces contraintes expliquent peut-être pourquoi l’Ordre des sages-femmes oriente désormais ses recommandations pour le développement de la pratique vers une approche plus médicalisée, ou pourquoi son congrès annuel de 2024 a été commandité par plusieurs compagnies pharmaceutiques.

L’accouchement à domicile : ton option de reprise de contrôle

Accoucher chez soi, c’est reprendre le contrôle total de son environnement de naissance. Chez toi, c’est ton territoire : tu choisis qui est présent, l’ambiance, la musique, l’éclairage. Tu peux bouger librement, manger, boire, utiliser ta propre baignoire. 

Au Québec, tu as deux options légales pour enfanter à domicile.

Avec sage-femme : une surveillance médicale à domicile

L’accouchement à domicile avec sage-femme te permet de bénéficier d’un accompagnement médical dans ton environnement. La sage-femme assume la responsabilité clinique de ton suivi et dispose de tout le matériel d’urgence nécessaire (oxygène, matériel de réanimation néonatale, ocytocine de synthèse, etc.).

Si des complications surviennent, un plan de transfert vers l’hôpital est prévu et organisé. Cette option est entièrement couverte par la RAMQ — tu ne paies rien de plus que si tu accouchais en maison de naissance.

L’enfantement libre : autonomie totale

L’enfantement libre (ou accouchement non assisté) signifie donner naissance sans surveillance médicale professionnelle. Contrairement aux idées reçues, cette option est légale — aucune loi ne t’oblige à avoir un suivi médical pendant ta grossesse ou ton accouchement.

Certaines personnes choisissent cette voie après un trauma médical, par conviction profonde que leur corps sait faire, par absence d’accès à une sage-femme ou simplement pour vivre une naissance en totale intimité avec leur partenaire.

Cette option implique d’assumer la pleine responsabilité de tout ce qui peut advenir. Si c’est l’avenue que tu veux emprunter, assure-toi de faire ce choix en pleine conscience, de définir tes limites et d’avoir une communication claire avec tes proches concernant tes attentes. 

Et rappelle-toi qu’à tout moment — avant la naissance, pendant ou juste après — tu peux finalement décider d’aller chercher de l’assistance médicale, elle ne peut t’être refusée au nom de tes choix.

Les doulas : ton option de soutien inconditionnel, quels que soient le lieu ou les modalités d’accouchement

Parlons maintenant d’une option complémentaire à toutes les autres : l’accompagnement par une doula.

Qu’est-ce qu’une doula ?

Une doula est une accompagnante à la naissance formée en périnatalité qui t’offre un soutien émotionnel, physique et informationnel. Elle n’a aucun rôle médical — son expertise, c’est t’accompagner humainement dans ton expérience de naissance, quel que soit le lieu où tu accouches.

Elle t’accompagne dès la grossesse pour créer un lien de confiance, reste à tes côtés en continu pendant tout l’accouchement et t’accompagne dans les premières semaines post-partum. Sa mission : t’aider à vivre ta naissance selon tes valeurs, en renforçant ta confiance en tes capacités.

Plusieurs études ont démontré les bénéfices de l’accompagnement doula : 50 % de réduction des césariennes, 25 % de diminution de la durée du travail et 60 % moins de demandes de péridurale. Ces résultats s’expliquent par ce soutien continu et personnalisé qui aide ton corps à suivre son rythme naturel.

Les doulas exercent en toute indépendance des institutions médicales et leurs services ne sont pas couverts par la RAMQ. Elles sont complémentaires à ton suivi médical, jamais en remplacement.

Combien ça coûte ?

Les doulas fixent leurs propres tarifs et un accompagnement de la grossesse au post-partum avec présence à la naissance peut varier entre 1 200 $ et 2 500 $. Certaines doulas émettent pour tes assurances des reçus comme naturothérapeute ou naturopathe en périnatalité. 

Il existe aussi pour les familles moins nanties des services de doulas via des organismes communautaires, tu peux trouver l’information auprès des organismes familles de ton secteur.

Comment trouver et choisir ta doula ?

Tu peux trouver ta doula via le bottin de l’Association québécoise des doulas (AQD).

Selon l’AQD, choisir une doula, c’est choisir la personne qui t’accompagnera dans un moment intense et intime. Le feeling est primordial : tu dois te sentir en confiance et partager sa philosophie d’accompagnement.

Rencontre plusieurs doulas avec ton/ta/tan partenaire et pose des questions ouvertes : « Comment tu m’aiderais si j’angoisse face aux interventions ? », « Quelle est ta vision de l’accouchement ? » Assure-toi qu’elle respecte tes choix sans imposer ses convictions.

La plupart des doulas offrent une rencontre d’approche gratuite ou à faible coût. Profites-en pour poser tes questions et faire ton choix en toute sérénité !

Pas accès aux alternatives à l’hôpital ? Voici ce que tu peux faire.

Comme les options alternatives restent restreintes, il faut un plan B. L’objectif ? Faire des choix éclairés, pas subis ! Voici quelques pistes pour diminuer le risque de surmédicalisation et favoriser l’accouchement physiologique en milieu hospitalier :

• Informe-toi sur tes droits via droitsetgrossesse.ca
• Comprends la physiologie de la naissance avec les BD de Lucile Gomez : « Découvrez, Amplifiez et Propagez vos supers pouvoirs »
• Note tes questions dans un carnet pour ne rien oublier en consultation. Prends ton temps, même si l’équipe semble pressée : c’est TA grossesse !
• Vers 34-35 semaines, demande :
  
  • Le matériel disponible à l’hôpital
  • Les options de gestion de la douleur (pharmaco ET non-pharmacologiques)
  • Le niveau d’accompagnement standard offert le jour J
• Prépare tes souhaits de naissance en te concentrant sur 3 éléments essentiels pour ton bien-être
• Exige une information complète pour chaque intervention : bénéfices, risques chiffrés et alternatives
• Le jour J, demande un délai de réflexion avec tes accompagnant·e·s avant toute décision importante

Sages-femmes, accouchement à domicile, doulas et même hôpital plan B : tu as maintenant un tour d’horizon de tes options pour éviter la surmédicalisation.

Peu importe l’option que tu choisis, l’essentiel est que tu puisses vivre un enfantement dans un environnement avec des personnes respectueuses de tes décisions afin de vivre une expérience satisfaisante.

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Crédit photo principale : Craig Adderley