Les milieux festifs (festivals, bars, raves, partys universitaires, etc.) peuvent malheureusement être propices aux violences à caractère sexuel (VACS) en raison de plusieurs facteurs structurels. Ces facteurs sont liés aux normes sociales, aux politiques (ou à leur absence), aux inégalités systémiques, ainsi qu’à l’organisation même de ces milieux. Survolons-les ici pour ensuite nous outiller afin de les combattre ensemble !

T.A. : violences à caractère sexuel ; soumission chimique ; culture du viol ; exploitation sexuelle ; banalisation de la violence ; abus de pouvoir.

Une culture de tolérance ou de banalisation des VACS

As-tu déjà entendu, dans un contexte de party, des phrases comme « C’est juste pour rire, iel est toujours comme ça quand iel boit. », ou encore « C’est normal de se faire frotter dans ce genre de party, tout le monde se touche ! » ? 

Comme si le fait d’avoir un verre à la main et une bonne p’tite musique d’ambiance pouvait excuser tout comportement qui ne respecte pas les frontières interpersonnelles. Eh oui, il existe une culture de tolérance, même de banalisation, des VACS dans les milieux festifs, et les chiffres parlent d’eux-mêmes. 

Une enquête visant à dresser un portrait statistique du harcèlement de rue à Montréal (Courcy, Lavoie Mongrain et Blais, 2022) soulève qu’en plus de banaliser le harcèlement subi, 93,4 % des répondant·e·s n’auraient pas porté plainte ou signalé les incidents, entre autres par peur de ne pas être pris·e·s au sérieux, par crainte des représailles, ou encore, par appréhension du processus de plainte, et l’impression que celle-ci « ne servira à rien » ou « ne mènera à rien ». 

Des inégalités de pouvoir basées sur le genre

Quand on parle de VACS, on parle inévitablement de dynamiques de pouvoir inégales. 

En 2017, une femme sur deux a rapporté avoir été victime de VACS lors d’un événement extérieur à Montréal. Plus de la moitié a déclaré avoir subi au moins une agression ou une forme de harcèlement, notamment de la brutalité physique, de l’exhibitionnisme ou une agression sexuelle (Conseil des Montréalaises, 2017).

En mars 2024, le Collectif social, organisme à but non lucratif qui a pour mission de déployer et soutenir des initiatives communautaires ou sociales qui répondent aux besoins des jeunes de 18 à 35 ans, a rédigé un rapport portant sur la vie nocturne sécuritaire et inclusive à Montréal. Basé sur des écrits scientifiques, le rapport soulève qu’à Montréal :

  • 82 % des jeunes de 18 à 24 ans ;
  • 75 % des femmes en situation de handicap ;
  • et près de la totalité (95 %) des personnes racisées ou autochtones de la diversité de genre…

… auraient subi du harcèlement de rue (Blais, Courcy & Lavoie Mongrain, 2022).

Entre 2020 et 2021, 7 personnes sur 10 disaient avoir été harcelées dans les espaces publics montréalais. Parmi ces répondant·e·s, 60 % auraient vécu ces incidents en soirée (entre 16 h et 23 h) (Blais, Courcy & Lavoie Mongrain, 2022).

Pour les communautés LGBTQIA2S+ et les personnes autochtones, cette proportion s’avèrerait 3 fois plus importante que pour le reste de la population (Statistique Canada, 2020 et 2023).

On va se le dire, les VACS en milieux festifs sont un véritable fléau et touchent tout le monde, de près ou de très près.

Consommation d’alcool et de drogues

Les milieux festifs sont souvent propices à la consommation d’alcool et de drogues — un facteur de risque aux VACS. Les effets de ces substances peuvent flouer la capacité d’une personne à évaluer son propre consentement et celui des autres, ou encore à intervenir comme témoin. Les études rapportent que jusqu’à une personne sur deux aurait vécu de la violence sexuelle dans un contexte de vie nocturne festive (Quigg & al., 2020).

Soumission chimique

La tragédie récente des « viols de Mazan », en France, a mis le projecteur sur le phénomène de soumission chimique. 

Or, le documentaire « Drogues du viol », réalisé par Marie-Ève Tremblay en 2024, soulève que l’une des substances les plus utilisées pour la soumission chimique serait l’alcool. En effet, le fait de mettre de la pression sur une personne, de l’encourager à boire, boire et reboire, constituerait l’une des tactiques utilisées par des personnes mal intentionnées afin de parvenir à leurs fins. Les milieux festifs dans lesquels une consommation d’alcool est de mise constituent alors des contextes plus à risque aux VACS.

À garder en tête : souvent utilisées comme facteurs d’excuse (« La personne était saoule, elle aurait dû faire attention à sa consommation avant de se mettre dans cette situation ! ») ou d’impunité (« Iel avait trop bu, ça lui arrive d’avoir les mains baladeuses après avoir consommé… »), les idées préconçues face à la consommation de substances viennent encourager la culture du viol.

Ce qu’on aimerait voir plus souvent dans les milieux festifs

Des protocoles clairs d’intervention en cas de situation problématique

Une politique de prévention des VACS est un cadre formel mis en place par une organisation, une institution ou un établissement pour prévenir, détecter, signaler et gérer toute situation de violence sexuelle. Elle précise les principes, les valeurs, les responsabilités et les procédures à suivre pour créer un environnement sécuritaire et respectueux pour toutes les personnes. Cette politique inclut généralement des mesures de sensibilisation, de formation, de soutien aux victimes, ainsi que des mécanismes de signalement confidentiels et adaptés. Son objectif principal est de prévenir les violences, protéger les personnes à risque, et réagir adéquatement lorsqu’un incident survient.

Le rapport du Collectif social (2024) souligne l’importance d’un partenariat des milieux festifs avec un organisme communautaire spécialisé, afin qu’aucun angle mort n’échappe à l’équipe et qu’un sentiment de sécurité général soit ressenti par les personnes qui fréquenteront le milieu.

En mettant en place des balises claires, le milieu montre qu’il prend au sérieux le bien-être des personnes qui le fréquentent. Ça permet aussi à l’équipe d’agir avec confiance et cohérence si une situation délicate survient. Bref, c’est un outil essentiel pour bâtir une culture de bienveillance et de prévention !

Du personnel formé (bar, sécurité, bénévoles)

Le rapport du Collectif social (2024) rapporte que les employé·e·s des lieux qui composent le réseau festif montréalais occupent une position stratégique pour devenir des témoins actif·ve·s face aux situations de harcèlement ou de violence à caractère sexuel. Une formation adaptée leur permet d’intervenir de façon appropriée et sécuritaire (et d’avoir plus confiance en leurs capacités d’intervention !).

Des espaces aménagés avec la prévention en tête

Un rapport rédigé par le Gouvernement du Québec en 2019 explore comment l’aménagement des campus universitaires peut contribuer à la prévention des violences sexuelles. Celui-ci met de l’avant la « théorie du choix rationnel » de Cornish et Clarke (1986), selon laquelle une personne, malgré une possible impulsivité, fait un choix calculé lorsqu’elle décide de poser un geste criminel ou de harcèlement. L’environnement serait l’un des facteurs qui influence si la personne choisit de commettre un délit ou non.  

Comment ça se traduit dans le contexte d’un événement festif ?

Limiter les espaces sombres, isolés ou non surveillés

Certains espaces sont plus propices aux situations à risque en raison de leur isolement, leur manque de visibilité, ou du contexte social qui favorise la désinhibition. 

Toilettes isolées et mal éclairées ? Stationnements ou ruelles adjacentes à l’événement ? Zones boisées ou en retraits dans un festival en plein air ? Couloir ou entrée de bâtiment peu fréquentés ? Aires de repos éloignées ou mal éclairées ? Tous ces exemples constituent des red flags à identifier avant l’événement et à surveiller tout au long de celui-ci. Communiquer et indiquer ces endroits plus louches au personnel impliqué dans l’événement peut faire une différence en ce qui a trait à leur surveillance pendant celui-ci.

Afficher des campagnes de sensibilisation

Afficher des campagnes de sensibilisation aux VACS en milieu festif permet d’affirmer clairement que le milieu est allié à la cause, ce qui favorise un sentiment de sécurité pour les usager·e·s. À l’inverse, pour les personnes qui seraient susceptibles de manifester des comportements problématiques, elles agissent un peu comme un avertissement, voire une surveillance indirecte.

Elles permettent aussi de visibiliser les ressources d’aide disponibles et les recours possibles, de responsabiliser les témoins potentiels, et de briser le silence autour de comportements inappropriés souvent banalisés. Bref, leur présence contribue à créer un environnement plus sécuritaire et inclusif pour tous les participant·e·s.

Des exemples :

Aménager un safe space

Aménager un safe space dans un événement festif est une mesure concrète pour prévenir les violences à caractère sexuel et favoriser un climat de sécurité et de bienveillance. Cet espace, clairement identifié et accessible, permet aux personnes de se retirer en cas d’inconfort, de détresse, ou simplement pour s’hydrater et se reposer avant de continuer leur soirée. 

Idéalement, des personnes formées en intervention sont présentes dans le safe space. Également appelées « sentinelles », elles ont le rôle d’accueillir chaque personne s’adressant à elles et de leur offrir une oreille empathique au besoin. La présence de personnes formées à l’écoute et à l’intervention contribue à désamorcer des situations à risque, tout en envoyant un message clair : le respect et la sécurité de tous·tes sont une priorité.

Ce qu’on peut faire en tant que témoin

L’un des messages clés que je veux que tu retiennes : tu n’es pas sans pouvoir si jamais tu es témoin d’une situation sensible ! 

En tant que témoin actif·ve, tu peux réellement changer les choses. On peut tous·tes faire une différence pour combattre ces foutus facteurs structurels ! Équipe de sécurité, organisateur·rice·s d’événement, employé·e·s, participant·e·s… chaque personne a un rôle à jouer.

Approche des 5 D

L’organisme Right to Be a développé l’approche des « 5D de l’intervention des témoins » , qui vise à ce que chaque personne se responsabilise tout en préservant sa propre sécurité. Les voici :

1. Distraire

Par distraire, on parle de détourner l’attention de la personne victime du comportement. Par exemple, tu peux t’adresser directement à elle en disant quelque chose comme « Wow, la musique est bonne ce soir, sais-tu où je peux aller voir un show de cet artiste ? » ; « Hey, peux-tu me prendre en photo, le sunset est incroyable ! » ; « J’aime tellement ton top, tu l’as acheté où ? » ou encore « Est-ce que tu as un élastique ? J’aimerais m’attacher les cheveux, il fait chaud ! ».

✨ Bonus : le fait de te mêler à la conversation montre à la personne au comportement problématique qu’elle n’est plus seule avec l’autre. Ça aide à briser une dynamique de pouvoir inégale en la restructurant (et ce n’est pas si compliqué, avoue !)

À noter que distraire ne signifie pas de t’adresser à la personne au comportement problématique. En tant que témoin actif·ve, le but est que tu demeures en sécurité tout au long de ton intervention.

2. Déléguer

Si la situation le permet, déléguer consiste à demander de l’aide à une personne tierce (sentinelle, autre participant·e, agent·e de sécurité, personnel au bar, responsable de l’événement, équipe médicale). À noter que déléguer ne consiste pas à simplement refiler la responsabilité à une autre personne. Cela vise plutôt à bâtir une communauté protectrice. Cette stratégie montre explicitement que l’ensemble du milieu ne tolère pas toute forme de violence à caractère sexuel et permet à la personne de recevoir du soutien immédiat (si elle le désire, of course).

Attention ! Avant de contacter la police, si la situation s’y prête, il est important de vérifier avec la personne ciblée si elle est d’accord. Le consentement est la clé dans des situations du genre ; on n’ira pas à l’encontre des souhaits de la personne victime !

3. Documenter

Cette stratégie fonctionne mieux lorsqu’elle est combinée avec d’autres méthodes parmi les « 5D ». Si tu vois qu’une personne est déjà en train d’intervenir, tu peux choisir de documenter la situation. Assure-toi d’abord que quelqu’un apporte déjà de l’aide dans la situation afin de préserver la sécurité de la personne qui subit les comportements. 

Pour documenter, tu peux simplement sortir ton cellulaire, te placer à une distance sécuritaire, et filmer ce qui se passe.

IMPORTANT : va voir la personne qui a subi le mauvais traitement et demande-lui ce qu’elle souhaite qu’il arrive avec l’enregistrement. Si elle préfère que le contenu soit supprimé, il est important de respecter son choix.

4. Dialoguer

Parfois, un comportement désobligeant se déroule très rapidement, sans même qu’on n’ait pu avoir la chance d’intervenir directement sur le coup. En revanche, rien ne t’empêche de t’adresser à la personne victime une fois la situation terminée, d’où l’option d’agir en différé.

Cette stratégie consiste à aller dialoguer avec la personne victime en lui nommant que tu as été témoin de la scène et que tu trouves que ce qui s’est passé n’est pas acceptable. Ça permet de valider ce que la personne a vécu et lui confirme qu’elle n’est pas seule dans la situation.

💡Truc de pro : tu peux combiner cette stratégie avec toutes les autres des « 5D » !

5. Diriger

La stratégie « Diriger » est la seule des 5 qui consiste à confronter directement la personne qui manifeste les comportements inacceptables. Cela dit, c’est celle qui comporte le plus grand risque pour ta propre sécurité. 

Garde en tête, tout au long de l’intervention, que la priorité est ta propre sécurité, ainsi que le bien-être de la personne victime. « Diriger » ne signifie pas « faire un sauvetage sensationnel digne d’un film et recevoir une médaille après ». Il s’agit simplement de nommer une limite ferme à la personne qui harcèle, pour ensuite aller s’occuper de la personne qui subit les comportements. 

Par exemple, pour adresser le comportement problématique, des phrases courtes et claires comme « Laisse-le·la tranquille », « Ce n’est pas drôle », « Ce que tu dis est blessant » (suite à un commentaire déplacé), ou bien « Ce geste est inacceptable » (après comportement désobligeant) peuvent être utilisées. Un simple « Arrête, ça suffit. » peut faire l’affaire également. 

Selon le Gouvernement du Canada, un comportement non verbal s’avère tout aussi efficace pour décourager une personne de continuer son comportement inapproprié. Notamment, tu peux faire des signes de « non » avec la tête, ou encore lancer un regard réprobateur à la personne qui perpétue le comportement.

Une fois l’action posée, adresse-toi à la personne victime pour lui demander comment elle va et quels sont ses besoins. Que ce soit de changer de coin, de pleurer, de parler, d’aller rejoindre des ami·e·s ou d’aller danser, chaque personne peut avoir des besoins différents, et je ne répéterai jamais assez qu’il est important de s’adapter à ceux-ci.

Ensemble, on peut faire la différence

La seule chose que je veux que tu retiennes de cet article est que TOUT LE MONDE peut faire une différence, à petite échelle, pour combattre les facteurs structurels qui contribuent aux VACS dans les milieux festifs. Ta voix fait réellement la différence, peu importe la manière dont tu l’utilises !

Si jamais tu veux en apprendre plus sur différentes initiatives québécoises visant à lutter contre les VACS en contexte de milieu festif, sens-toi libre de consulter les ressources ci-dessous !

Pour en savoir plus…

  • L’organisme « Scène & Sauve »
  • L’organisme « Monte ta soirée »
  • Le GRIP pour la réduction des méfaits dans la consommation
  • Les capsules vidéo des 5D de l’intervention par l’organisme Right to Be (à noter que ces capsules sont en anglais)
  • Le documentaire québécois sur la soumission chimique : « Pour que la honte change de camp »
  • Le documentaire québécois sur la soumission chimique : « Drogues du viol »

______________________

Références

Conseil des Montréalaises. (2017). Montréal, une ville festive pour toutes. La sécurité des femmes et des jeunes femmes cisgenres et trans lors des événements extérieurs à Montréal. 

Courcy, I., Lavoie Mongrain, C. et Blais, M. (2022). RAPPORT de recherche sur le harcèlement de rue à Montréal : Un portrait statistique de la pluralité des expériences, des manifestations et des contextes.

QUIGG et coll. (2020). Sexual violence and nightlife: A systematic literature review. 51. 

Paquin, S. (2019). La prévention des violences à caractère sexuel par l’aménagement des campus d’enseignement supérieur. [Rapport gouvernemental]. Gouvernement du Québec.

Crédit image principale : Mark Angelo Sampan

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