Accoucher ET avoir un orgasme ? Ça te semble complètement flyé ? Pourtant, depuis quelques années, on en entend pas mal parler sur la toile. Mais c’est quoi au juste, l’accouchement orgasmique ? On démêle tout ça ensemble, et je te dis pourquoi, comme doula, je recommande de glisser un vibrateur dans ton sac d’accouchement. 🤯

C’est quoi exactement, un accouchement orgasmique ?

Un spectre du plaisir, pas juste un orgasme

Quand on creuse le sujet, on se rend vite compte que l’accouchement orgasmique, c’est beaucoup plus large qu’un orgasme pendant la naissance.

Regarde la table des matières de n’importe quel livre sur le sujet : la majorité des chapitres parlent surtout… d’accouchement physiologique. Mais plutôt que de parler de l’accouchement sous l’angle de la douleur et de sa gestion (comme 99 % des livres et cours prénataux), l’approche orgasmique place le plaisir au centre. Et pas juste l’orgasme en tant que tel. On parle de moments de plaisir intense, de sensations agréables, voire d’extase — « l’état d’une personne qui se trouve comme transportée hors d’elle-même » ou encore « un état d’exaltation provoqué par une joie, une admiration extrême », selon la définition de l’extase.

En gros, l’accouchement orgasmique, ce n’est pas avoir un orgasme ou non. C’est un continuum de plaisir qui peut totalement coexister avec la douleur.

D’ailleurs, une étude sur le plaisir pendant l’accouchement a révélé que ce plaisir prend plusieurs formes : émotionnel (98,9 %), mental (91,8 %), spirituel (76,9 %), physique (61,3 %) et sexuel (14,5 %) (Bolaza, 2023). Le plaisir sexuel est donc présent, mais c’est loin d’être la seule — ni même la principale — forme de plaisir vécue pendant l’enfantement. Et surprise : les personnes qui accouchaient à domicile rapportaient des expériences de plaisir amplifiées.

Est-ce que ça existe vraiment avoir un orgasme en enfantant ?

Les rares études scientifiques sur le sujet prennent une définition stricte de l’accouchement orgasmique, soit avoir un orgasme pendant qu’on enfante.

Selon l’étude de Postel (2013), ça toucherait 0,3 % des naissances. Mais ce chiffre a ses limites. D’abord, les personnes sondées accouchaient majoritairement à l’hôpital — et, on le sait, ce n’est pas vraiment le lieu le plus intime pour lâcher prise. Ensuite, les statistiques sont basées sur celles qui ont osé le dire à leur sage-femme. Or, c’est tellement tabou que beaucoup de personnes n’en parlent tout simplement pas, ce qui fausse la donne dès le départ.

Bref, avoir un orgasme en accouchant reste a priori un phénomène rare. Et de toute façon, on ne planifie pas un orgasme. On peut juste créer des conditions qui favorisent la détente et le plaisir. Et ces conditions sont de toute façon les mêmes que celles que l’on souhaite pour un enfantement physiologique.

Par contre, enfanter dans le plaisir (sans nécessairement avoir un orgasme) semble beaucoup plus commun, surtout chez les personnes qui accouchent à domicile. C’est le cas de Justine, qui a vécu un accouchement orgasmique lors de son troisième enfantement, deuxième à domicile : 

« Je n’ai pas ressenti de la douleur, aucunement. Seulement de l’intensité. C’était agréable, comme avant l’orgasme. C’était doux, mais puissant en même temps. J’ai eu bien du fun, mais ça n’a pas fini par l’orgasme. »

C’est physiologique, pas mystique

Si l’accouchement orgasmique semble mystérieux, c’est surtout parce qu’on en parle peu. Nos corps sont merveilleusement bien faits et, si, pendant des siècles notre plaisir a été opprimé à coups de « tu enfanteras dans la douleur », de contrôle de nos corps, de violences obstétricales… tout est physiologiquement là pour favoriser une expérience plaisante.

Pendant l’accouchement, ton corps libère les mêmes hormones qu’un orgasme classique, notamment de l’ocytocine (l’hormone de l’amour), et des endorphines (ton anesthésique naturel). Ton clitoris, qui compte environ 10 000 terminaisons nerveuses, est directement stimulé par le passage du bébé. Et les sensations peuvent être intensifiées par les positions verticales (debout, accroupie, suspendue…) qui augmentent la pression sur le clitoris.

Quand on ne perturbe pas la physiologie, le corps déploie toute sa puissance. Pas besoin d’invoquer les esprits ou de réciter des mantras — la magie est déjà en toi.

Ce qu’il y a réellement derrière le marketing mystique de l’accouchement orgasmique

Du concept physiologique au packaging spirituel

Depuis le film Orgasmic Birth (2009), le concept a muté pour devenir un produit de bien-être : formations, retraites, produits… tout un écosystème s’est développé. On te vend de la souveraineté individuelle. Des personnes se positionnent comme ayant atteint un niveau de spiritualité supérieur ou ayant reçu des enseignements mystiques qui leur permettent de vivre, et de t’enseigner, le « secret » de l’accouchement orgasmique.

À noter que ces discours spirituels restent souvent ancrés dans une vision binaire et essentialiste, parlant exclusivement de la « puissance de la femme » et de « féminin sacré », invisibilisant ainsi les personnes trans et non binaires qui accouchent.

Mais finalement, quand on y regarde de plus près, le cœur de ces transmissions est concentré sur l’enseignement de la physiologie de la naissance, la connaissance de son corps, de son sexe, et le déconditionnement des peurs entourant l’enfantement. 

Pour certaines personnes comme Ananda*, accompagnante en accouchement orgasmique, celui-ci s’inscrit dans une quête spirituelle plus large : « C’est une union avec le divin en toi. ». Cette vision plus individuelle peut parler à certaines personnes. 

Mais avec un prisme politique et féministe, le plaisir dans l’enfantement, c’est avant tout une approche qui déconstruit les oppressions systémiques de la naissance (sexisme, racisme, grossophobie…) pour envisager la mise au monde dans son pouvoir et sa capacité à jouir de la vie. C’est d’ailleurs la même philosophie que chez JUST A LITTLE FUN : aborder la sexualité sous l’angle du plaisir plutôt que celui du risque.

L’empowerment qui cache une nouvelle pression

On te dit de te libérer des injonctions médicales… pour t’en mettre de nouvelles. Si ton accouchement n’est pas « extatique », c’est que tu n’étais pas assez zen ou connecté·e. L’accouchement devient une nouvelle performance à atteindre.

Et derrière, il y a tout un discours individualiste du « qui veut peut » : « crée ta propre réalité », « manifeste l’accouchement de tes rêves ». Des livres comme Portal : The Art of Choosing Orgasmic, Pain-Free, Blissful Birth en sont l’exemple parfait : l’accouchement devient un « art du choix ». Comme si la douleur, les complications ou les interventions médicales résultaient simplement de mauvais choix individuels. Ce genre de message évite soigneusement la critique systémique — le racisme médical, les violences obstétricales, les inégalités d’accès aux soins.

Transformer la physiologie en performance spirituelle, ça ne sert pas un projet d’émancipation. Ça sert une idéologie néolibérale où tout repose sur toi, tes choix, ta « vibration ». 

Olivia* en sait quelque chose. Après son premier accouchement à domicile, elle devient « geek des naissances ». Pour son deuxième, elle se prépare à fond, pensant vivre alors à son domicile l’accouchement orgasmique. Mais la réalité lui réserve autre chose :

« Je ne m’attendais pas du tout à être mise face à une telle douleur. Malgré tout ce que j’avais fait comme recherches, que j’avais appliquées. »

Ce qui a fait basculer ? Des détails hors de son contrôle — des gens qui arrivent, qui parlent, qui perturbent sa bulle. Elle conclut : « On se heurte à quelque chose qui n’est pas dans notre contrôle. Plein de petites subtilités me gardaient dans mon mental, me faisaient sentir vue, pressée. »

Pourtant, dans le discours de l’accouchement orgasmique, ces perturbations extérieures sont souvent réinterprétées comme des blocages intérieurs. 

Quand on demande à Ananda* pourquoi certaines personnes, malgré leur préparation assidue, ne vivent pas l’accouchement orgasmique, elle répond : « C’est simplement que la personne n’est pas rendue là dans sa vie de se libérer complètement. » Ce glissement est dangereux, car il transforme des obstacles structurels en défaillances personnelles.

Accoucher n’est pas une expérience solitaire déconnectée du monde. C’est au contraire, bien que très intime, profondément social et politique.

Le déroulement et l’issue de l’accouchement dépendent de bien plus que des choix individuels. D’abord, de notre approche collective et culturelle : en Occident, l’accouchement est vu comme un événement dangereux à contrôler plutôt que comme un processus physiologique à soutenir. Ensuite, de facteurs structurels : l’accès aux soins, les conditions de vie (logement, alimentation), les politiques publiques, la formation des professionnel·le·s, le financement des services.

La façon dont se passent les accouchements devrait être une responsabilité collective et non pas uniquement une responsabilité individuelle.

Mais, alors, pourquoi je te recommande d’utiliser ton vibrateur à l’accouchement ? 

La stimulation génitale peut réduire la perception de la douleur. Elle peut augmenter le seuil de tolérance à la douleur de près de 75 % lors d’un orgasme (Whipple & Komisaruk, 1985).

C’est un outil de confort, comme les massages, le ballon de naissance ou la baignoire. Ça peut aider à libérer de l’ocytocine naturellement, cette hormone qui favorise à la fois les contractions et le bien-être. Pas besoin d’y voir un outil d’accès à ton « féminin sacré » — tu peux simplement y voir un outil favorisant la physiologie.

En plus, avouons-le : tu n’oseras sans doute pas utiliser ton vibrateur devant l’infirmière. Tu vas donc chercher plus d’intimité, peut-être dans la salle de bain. Et devine quoi ? Ça aussi, c’est bon pour favoriser la sécrétion des hormones nécessaires à la physiologie de la naissance. L’intimité, le calme, la non-perturbation — c’est exactement ce dont ton corps a besoin.

Si ça t’aide, génial. Si ça ne te parle pas, tu as plein d’autres options tout aussi valables. L’important, c’est d’explorer et choisir ce qui fonctionne pour toi.

Alors, c’est quoi le verdict ?

Oui, l’accouchement orgasmique existe. Il va de l’orgasme pur à l’extase, en passant par le sentiment de plaisir. Parler de l’accouchement orgasmique, c’est avant tout aborder l’enfantement sous l’angle du plaisir, de la joie et de l’admiration, plutôt que sous l’angle du risque et de la douleur. C’est choisir d’aborder la naissance sous l’angle de la puissance plutôt que de l’impuissance. Et ça, c’est absolument nécessaire pour toustes.

Mais cela dit, non, ton accouchement n’a pas besoin d’être orgasmique — ni même « plaisant » — pour être légitime. L’important, c’est que tu aies l’espace de prendre des décisions éclairées, que tu te sentes respecté·e et en sécurité.

Et si on choisissait collectivement d’aborder l’accouchement sous l’angle du plaisir ? Pas comme un dogme, pas comme une performance — comme un espace pour exercer ton autonomie.

Crédit photo principale : Anne-Cécile Robert

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