Tu es conscient·e des bénéfices d’un enfantement physiologique — favorise le prompt rétablissement, une protection accrue du périnée, la mise en place de l’allaitement, le sentiment d’accomplissement, le lien d’attachement avec bébé… — mais tu te demandes si c’est vraiment possible à l’hôpital ?

Bonne nouvelle : avec une préparation adéquate et les stratégies appropriées pour protéger ce processus physiologique, c’est possible !

L’enfantement physiologique, c’est ton corps qui fait son travail sans perturbation extérieure. En d’autres mots, c’est le respect du processus biologique spontané de la mise au monde. Le hic ? L’hôpital peut inhiber ce processus avec ses protocoles et son environnement.

Voici ton guide pour vivre ton enfantement le plus physiologiquement possible à l’hôpital.

1. Tout commence à l’établissement de la fameuse DPA

Première étape pour protéger ton enfantement physiologique : comprendre la fameuse Date Prévue d’Accouchement (DPA).

La DPA est calculée à partir de tes dernières règles, mais tout le monde n’a pas un cycle de 28 jours ni n’ovule au même moment. Résultat ? Seuls 5 % des bébés naissent à leur date « prévue », 66 % naissent dans les 7 jours suivants.

Le problème ? Les déclenchements sans raison médicale justifiée sont de plus en plus fréquents — une tendance qui inquiète les professionnel·les. Cinq jours de différence peuvent sembler anodins au début de la grossesse, mais à 40+3 SA, ça change tout dans les protocoles hospitaliers.

Si tu connais ton cycle et calcules ta propre date, parles-en avec tan professionnel·le dès les premiers rendez-vous. Avoir l’estimation la plus juste te permet de relativiser en fin de grossesse et d’éviter les pressions inutiles.

Rappel : la naissance est considérée normale entre 37 et 42 semaines. Ton bébé a une fenêtre naturelle de plusieurs semaines pour arriver. Ta DPA n’est pas une date de péremption !

2. Magasine ton hôpital et tan médecin (si tu peux)

Chaque établissement a sa propre culture et ses protocoles. Certains sont plus à l’aise avec l’AVAC, d’autres avec les sièges ou la césarienne participative… Selon les équipes, il y a plus ou moins d’ouverture pour accompagner ton projet d’accouchement physiologique. Tu peux avoir des différences énormes d’un hôpital ou d’un·e médecin à l’autre.

Comment t’informer ? 

  • Consulte les sites web des hôpitaux
  • Appelle-les pour poser des questions sur leurs protocoles, demande s’iels ont des baignoires.
  • Visite l’unité des naissances (parfois, tu trouves des vidéos en ligne). 
  • Tu peux aussi solliciter la communauté : groupes locaux de parents, groupes de doulas comme « Trouve ta doula ».
  • Explore Rate MDs, un site où tu peux trouver des retours d’usager·ères sur les médecins de ton hôpital.
  • Consulte en ligne les sujets sur lesquels iels ont travaillé durant leur parcours universitaire. Ça peut être un bon indicateur de leurs centres d’intérêt professionnels.
  • Une fois devant un·e médecin pour ton suivi, parle-lui de ton projet et valide qu’iel est le·a bon·ne professionnel·le pour toi. Sinon, il est dans ton droit de demander à changer, car, même si tu ne peux pas savoir qui sera là le jour J, un·e médecin allié·e de ton projet peut faire toute la différence grâce aux souhaits de naissance que vous allez élaborer ensemble. 

Ces précieuses informations et retours d’expérience t’aideront à choisir l’hôpital ou le·a médecin qui soutiendront le mieux ton projet.

Important à reconnaître : tout le monde ne dispose pas des mêmes privilèges à ce niveau. Si tu n’as, par exemple, qu’un seul hôpital dans un rayon de 100 km, cette option ne t’est malheureusement pas accessible (ce qui démontre le besoin de diversifier les services publics liés à la naissance et à la périnatalité).

3. Évite les 2 principaux pièges

Sois autonome --> Le piège de la « prise en charge »

Dans le système médical, on parle souvent de « prise en charge », mais cette expression place d’emblée le·a patient·e dans une position passive. Tu n’es pas un colis qu’on transporte ! C’est toi qui viens chercher un suivi qui correspond à tes besoins. Tu n’as aucune obligation envers l’équipe médicale, c’est elle qui en a envers toi.

Ton savoir expérientiel a de la valeur. Tu connais ton corps, tes sensations, ton historique. Ce savoir mérite d’être mis en dialogue avec les connaissances obstétricales et non pas de côté. 

Il existe une hiérarchie tacite dans la relation médicale, mais sache que tu as le droit de poser des questions, de refuser certaines interventions et de prendre des décisions éclairées.

Prépare-toi, même si c’est « naturel » --> Le piège du « go with the flow »

L’accouchement est un processus physiologique involontaire et spontané, alors pourquoi se préparer ? Parce que l’accouchement moderne perturbe nos instincts mammifères. Alors que le réflexe naturel est de s’isoler pour enfanter, l’accouchement actuel se déroule sous observation constante : monitoring, nombreux·ses intervenant·es, touchers vaginaux… Ces éléments surstimulent le néocortex et perturbent le processus hormonal — ce que Michel Odent appelle l’« inhibition néocorticale ».

Connaître la physiologie de la naissance t’aide à faire confiance au processus et à créer les conditions favorables. On ne peut pas « aider » l’accouchement comme on pousserait une voiture, mais on peut protéger le processus en retirant ce qui freine le corps.

4. Obtiens l’information dont tu as besoin pour éclairer tes décisions

Connais tes droits et utilise la méthode BRAIN dès le début de la grossesse

Chaque décision médicale t’appartient, dès le premier rendez-vous de grossesse. Les professionnel·le·s de santé ont l’obligation légale de te donner une information complète sur chaque test, médication ou intervention proposés. Pour t’aider à prendre des décisions éclairées, utilise la méthode BRAIN en posant les questions suivantes à chaque proposition :

  • Bénéfices : quels sont les avantages recherchés ?
  • Risques : quels sont les risques et inconvénients ?
  • Alternatives : quelles autres options ? Que se passe-t-il si on diffère ou qu’on ne fait rien ?
  • Intuition : qu’est-ce que tu ressens physiquement et émotionnellement ?
  • Next steps : quelles sont les prochaines étapes ?

Cette méthode te permet de mieux comprendre et participer aux décisions, ou de décliner certains tests en toute connaissance de cause. N’hésite jamais à demander « pourquoi ? » et à reformuler dans tes propres mots pour t’assurer d’avoir bien saisi tous les enjeux.

Prends ton temps, même pendant l’accouchement

À moins d’urgence vitale imminente — ce qui est extrêmement rare, puisque l’équipe médicale guette justement les signaux de complications — tu peux prendre quelques minutes pour réfléchir, même en plein travail. Après avoir pris l’information, tu peux demander à avoir un moment seul·e avec les personnes qui te soutiennent, comme tan partenaire, ta doula, etc. Souviens-toi : c’est ton corps, c’est à toi qu’il appartient de décider si un traitement sera administré.

5. Prépare tes souhaits de naissances

Le plan de naissance, bien que souvent réduit à un document d’une page où on coche des préférences, est avant tout un processus de réflexion et d’information. 

Pour préparer tes souhaits de naissance, tu dois comprendre ce qui se passe de ton arrivée à l’hôpital jusqu’à ta sortie : les étapes, ce qui va t’être proposé, les protocoles… 

Cette démarche te permet de naviguer au mieux dans le système et de prendre des décisions éclairées en amont — parce que ce n’est pas le jour J qu’on commence à se questionner sur le clampage du cordon, ton souhait d’avoir ou non des étudiant·e·s présent·e·s, ou l’ambiance que tu veux créer. 

Tes souhaits doivent couvrir autant les interventions que l’atmosphère et l’organisation de ta naissance.

Comment bien utiliser tes souhaits de naissance

Idéalement, présente tes souhaits préliminaires lors d’un rendez-vous avant ta 37e semaine à tan médecin. Cela permet de recueillir des informations supplémentaires et de les ajuster si nécessaire. 

Garde-les simples et synthétiques : une page pour la naissance, une page pour le post-partum et une page en cas de césarienne — parce que, si tu dois t’y rendre, même au bloc, tu as un certain pouvoir de décision. 

Garde en tête que tes souhaits visent à guider comment tu attends d’être accompagné·e, ce n’est pas une liste au père Noël. Et rappelle-toi qu’à tout moment tu peux changer d’avis face à une intervention ou un protocole quoi qu’il soit écrit dans tes souhaits de naissance.

6. Bâtis ton équipe de soutien

Tan partenaire

Si vous décidez ensemble qu’iel soit présent·e — ce qui n’est ni obligatoire ni absolu — son rôle principal est d’être ton ancre : quelqu’un qui connaît tes valeurs et tes souhaits, et qui va t’apporter un soutien inconditionnel.

Iel peut aussi être ta voix quand tu es trop concentré·e sur ton travail pour communiquer avec l’équipe médicale. Cela demande une bonne préparation : iel doit connaître les rudiments de la physiologie de l’accouchement et les besoins d’une personne qui enfante pour ne pas se laisser déborder par ses propres émotions et peurs. 

L’important, c’est que vous soyez sur la même longueur d’onde avant le jour J.

Un·e proche

Parfois, une personne de ton entourage peut apporter une présence rassurante. Ce qui compte le plus, c’est la qualité de cette présence et de votre lien, peu importe qui c’est. Choisis quelqu’un avec qui tu te sens en sécurité et qui respecte tes souhaits.

La doula

La doula apporte une expertise spécifique et un soutien unique. Étant une figure externe, elle n’est pas émotionnellement impliquée, comme la famille ou le co-parent. C’est une personne que tu as choisie dans une relation intentionnelle — tu as eu le temps d’établir un lien de confiance avec elle, contrairement au/à la médecin de garde que tu n’as peut-être jamais vu·e avant.

Un·e photographe de naissance

Avoir un documentaire photo de son accouchement peut avoir des vertus thérapeutiques et empowering. Si tu décides d’avoir un·e photographe, choisis-en un·e spécialement formé·e à la photographie de naissance pour ne pas perturber le processus. Tu peux aussi trouver une doula photographe, un 2 en 1.

À noter que très souvent les hôpitaux limitent à deux personnes dans la chambre, mais si tu ressens le besoin d’être davantage entouré·e, n’hésite pas à insister, c’est ton droit d’avoir le soutien que tu juges nécessaire.

7. Quoi faire et considérer le grand jour ?

Arrive au bon moment

Le timing de ton arrivée à l’hôpital peut influencer le déroulement de ton accouchement. Arriver trop tôt peut t’exposer à des interventions prématurées ou à de l’anxiété inutile. Généralement, il est recommandé d’attendre que les contractions soient régulières, intenses et rapprochées. L’hôpital va te demander d’attendre d’avoir des contractions au moins aux 5 minutes, durant 1 minute, depuis 2 heures. 

Certaines personnes préfèrent étirer même un peu plus pour arriver à l’hôpital avec un travail plus avancé. Quoi qu’il en soit, écoute ton corps et fais-toi confiance. Et même si c’est tabou, c’est TON corps, rien ne t’empêche de mettre tes doigts dans ton vagin pour tenter d’avoir une idée de l’avancement de la dilatation de ton col.

Crée un environnement propice

L’environnement joue un rôle majeur sur ta capacité à lâcher prise et donc dans la progression du travail. 

Demande à cacher l’horloge pour éviter la pression temporelle, éteins les lumières, crée une atmosphère rassurante pour favoriser la production d’ocytocine. J’aime proposer à mes client·e·s un projecteur d’aurores boréales, ça permet d’avoir juste ce qu’il faut de lumière tout en étant hyper apaisant. Ton cerveau primitif a besoin de se sentir en sécurité pour laisser place au processus naturel.

Mobilité, mobilité, mobilité

Ton corps sait comment enfanter — laisse-le bouger ! Les positions verticales (debout, accroupie, à quatre pattes) utilisent la gravité à ton avantage et permettent au bassin de s’ouvrir naturellement. Change de position selon tes sensations et les besoins de bébé. Le ballon, la marche, les suspensions, les positions asymétriques… autant de mouvements qui peuvent réduire ton inconfort en plus de faciliter la descente de bébé.

Le lit d’accouchement n’est PAS obligatoire, comme le rappelle Rébecca Bergeron, une doula et acupunctrice pionnière en périnatalité au Québec. C’est à l’équipe médicale de s’adapter à toi, pas l’inverse. L’équipe peut attraper bébé dans n’importe quelle position, les monitorings peuvent se faire debout, et tu n’as pas à te contorsionner pour leur faciliter la tâche. 

Protège ta « bulle »

L’accouchement physiologique nécessite que tu puisses laisser ton cerveau primitif libérer les hormones nécessaires au processus spontané et physiologique de la naissance. Protège ton espace intime en limitant les interruptions, les discussions rationnelles et les stimuli extérieurs. Communique tes besoins à ton équipe de soutien pour qu’elle filtre les interactions avec le personnel médical quand tu es dans ta zone.

La toilette peut d’ailleurs devenir un lieu privilégié de lâcher-prise, offrant relâchement physique et intimité — n’hésite pas à t’y retirer quand tu en ressens le besoin.

Connais les protocoles pour négocier sereinement

Familiarise-toi avec les protocoles hospitaliers standards pour ne pas stresser inutilement quand ils te seront proposés ou si tu vois certains échanges entre l’équipe. 

Par exemple, vers la fin de la poussée, d’autres membres de l’équipe arrivent dans la chambre — ce n’est pas parce que quelque chose va mal, ce sont les protocoles de l’hôpital pour permettre de réagir rapidement si jamais bébé avait besoin d’aide. Le plus souvent, tout va bien et tout ce beau monde repart aussi rapidement qu’il est arrivé en t’adressant leurs félicitations.

Rappelle-toi que tu peux négocier, différer ou refuser certaines procédures — c’est ton accouchement, c’est ton droit ! Rassure l’équipe en montrant que tu comprends les enjeux et que tu prends des décisions éclairées, pas par ignorance ou entêtement.

8. Et parfois… la médicalisation est nécessaire !

Parfois, malgré toute la préparation du monde, l’accouchement prend une tournure différente de ce qui était prévu. Une césarienne, des forceps, un déclenchement ou des complications pour bébé… Ces situations peuvent créer un sentiment de perte de contrôle et de déception. Ça peut te faire ressentir de la déception ou de la colère — ces émotions sont légitimes. Mais même dans ces moments, tu as encore ton mot à dire sur ce qui t’arrive.

Même quand la médicalisation devient nécessaire, tu demeures la personne centrale de ton accouchement. Pose des questions pour comprendre ce qui se passe et exprime tes préférences. Par exemple, lors d’une césarienne, tu peux demander à baisser le champ opératoire au moment de la naissance, avoir de la musique, faire un clampage optimal…

Maintenir ton autonomie dans l’adaptation

L’autonomie ne signifie pas tout contrôler — elle signifie participer activement aux décisions qui te concernent, même quand les circonstances changent. Coache en amont tan partenaire à toujours utiliser la méthode BRAIN pour chaque nouvelle intervention proposée. 

Rappelle-toi que ton équipe de soutien reste précieuse même dans ces moments. Ne laisse personne te faire sentir que tu as « échoué » — ton corps et ton bébé ont fait exactement ce qu’il fallait dans les circonstances données. Chaque naissance est unique et valide, peu importe comment elle se déroule.

9. La physiologie continue après la naissance de bébé

L’accueil de bébé et la délivrance du placenta

Les premiers moments après la naissance sont déterminants pour l’adaptation de bébé et la poursuite du processus hormonal. Le contact peau à peau immédiat favorise l’adaptation de bébé et ta production d’ocytocine qui joue un rôle dans la délivrance du placenta et favorise l’allaitement.

Le clampage du cordon peut aussi être différé pour permettre à bébé de recevoir le sang placentaire qui lui revient. Il est d’ailleurs recommandé d’attendre 2 à 3 minutes avant de clamper. Sauf situation particulière, tu peux également demander à ce que les premiers soins soient reportés à deux heures de vie, le temps de savourer cette rencontre et de laisser la physiologie faire son travail.

Quoi qu’il arrive, il n’y a jamais d’accouchement raté

Il n’y a pas d’accouchement réussi ou raté. Peu importe comment bébé arrive. Les études montrent que ce qui détermine une expérience satisfaisante, c’est ton autonomie dans les décisions, bien plus que la durée, la douleur ou les modalités de naissance (Hodnett, 2002; Beck, 2005).

L’enfantement physiologique n’est pas une destination, c’est un parcours — et parfois on a besoin de prendre des détours. Le plus important, c’est de pouvoir décider en toute conscience de la route qu’on emprunte, des bifurcations que l’on prend, et cela, même quand la situation ne nous laisse pas vraiment le choix.

Rappelle-toi que chaque naissance est unique et que ton expérience mérite d’être respectée. Avec les bonnes informations, une équipe de soutien solide et la confiance en ta capacité de prendre des décisions éclairées, tu peux vivre une expérience d’enfantement alignée avec tes valeurs, y compris dans un environnement hospitalier.

Crédit image principale : Isaac Taylor

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